Bryone dioïque - Navet du diable
NOM LATIN : Bryonia dioica
FAMILLE : Cucurbitaceae
Description du Genre - FLORE de l'abbé Hippolyte Coste
Genre 232. - BRYONIA L . - Bryone.
(Du grec bryô, je végète avec force : allusion à la croissance rapide de la plante.)
8 espèces habitant l'Europe, la région méditerranéenne et les Canaries.
Description de l'espèce - FLORE de l'abbé Hippolyte Coste
1324. - Bryonia dioica Jacq. Navet du diable.
Plante vivace hérissée de petits poils renflés à la base, à racine très grosse, charnue, cylindracée; tiges très longues, grêles, grimpantes munies de vrilles contournées en spirale, opposées aux feuilles; feuilles palmatilobées, en coeur à la base, à 3 à 5 lobes aigus, sinués-dentés ; fleurs verdâtres, dioïques, veinées, en fascicules axillaires, les mâles plus grandes et bien plus
longuement pédonculées; sépales triangulaires, baie petite (5 à 8 mm de diamètre), dressée, globuleuse, lisse, rouge à la maturité, à suc fétide, à 4-6 graines elliptiques.
Haies et buissons, dans toute la France et en Corse.
Europe centrale et méridionale ; Asie occidentale : Afrique septentrionale.
= Mai à août.
La racine, vireuse et nauséabonde, est un violent purgatif; on l'emploie contre les hydropisies, les rhumatismes, la paralysie et contre les dartres.
Description de l'espèce - FLORE de l'abbé Hippolyte Coste (1937)FLORE MEDICALE - MM. CHAUMETON, POIRET, CHAMBERET - 1833
Italien : BRIONIA; FESCERA ; RORASTRO.
Espagnol : NUEZA.
Francais : BRYONE; BRIOINE; COULEUVRÉE.
Anglais : BRYONY.
Allemand : ZAUNRUEBE; GICHTRUEBE.
Hollandais : BRYONIE; ,WILDE WYNGAERD, Wouters.
Polonais : PBZESTAP; Erndtel.
Cette plante doit à sa prodigieuse végétation le titre de bryone: végéter, pousser, croitre. On la nomme couleuvrée, parce qu'elle rampe à la manière des serpens, et s'entortille comme eux.
LINNÊ regarde la bryone dioïque comme une simple variété de la blanche, dont pourtant elle se distingue, selo1 M. Poiret, par des caractères spécifiques tranchés : en effet, les fleurs mâles et femelles ne se trouvent jamais sur le même pied, et les fruits sont constamment rouges.
Cette plante vivace, extrêmement commune dans presque tous les climats, croît principalement dans les haies.
- La racine fusiforme , souvent rameuse, longue, charnue, blanche-jaunâtre, marquée de stries transversales superficielles, est ordinairement grosse comme le bras; mais elle peut acquérir un volume beaucoup plus considérable. - Les tiges, qui ont cinq ou six pieds de longueur, sont grêles, herbacées, sarmenteuses, grimpantes, cannelées, chargées de petits poils raides et distans.
- Les feuilles sont alternes, palmées, à demi divisées en cinq lobes anguleux, calleuses et rudes au toucher sur l'une et l'autre face, soutenues par des pétioles à la base de chacun desquels naît une longue vrille simple et roulée en spirale.
- Les fleurs mâles, portées sur de longs pédoncules axillaires, sont disposées par bouquets, et présentent un calice court, monophylle, campanulé, à cinq dents aiguës; une corolle monopétale, en rosette, divisée en cinq lobes ovales d'un blanc sale, marqués de lignes verdâtres; trois étamines courtes, dont deux sont terminées par une double anthère, tandis que le filament de la troisième n'en porte qu'une seule. Les fleurs femelles sont soutenues par des pédoncules courts, qui partent de l'aisselle des feuilles, comme ceux des fleurs mâles. Le calice et la corolle se ressemblent dans les deux sexes : l'organe génital femelle consiste en un ovaire inférieur, du sommet duquel s'élève un style trifide dont les stigmates sont échancrés.
- Le fruit est une baie globuleuse, de la grosseur d'un pois, d'abord verte, devenant d'un rouge vif à l'epoque de la maturité, contenant cinq à six graines ovoïdes, enveloppées dans une pulpe mucilagineuse;
Les diverses parties de la bryone exercent sur nos organes une action diverse. L'odeur des baies est légèrement nauséeuse; leur saveur est fade; Hollefear en a vu manger plusieurs sans qu'il soit survenu aucun effet remarquable. Dioscorides nous apprend que les jeunes pousses servaient d'aliment comme les asperges; mais il ajoute qu'elles déterminent l'excrétion des fèces et de l'urine. Toutefois, ce sont les racines qui jouissent depuis un temps immémorial d'une grande renommée. Des thérapeutistes modernes très célèbres exaltent les propriétés médicamenteuses ele ces racines, et se plaignent de les voir trop négligées de nos jours. " Nous sommes convaincus par une suite d'expériences, dit Gilibert, que cette plante, en différens temps, peut fournir toutes les espèces de purgatifs, depuis le minoratif jusqu'au drastique. Quelques observations prouvent qu'il existe une espèce de manie entretenue par une matière glaireuse vitrée, qui tapisse les intestins et l'estomac : dans ce cas, la couleuvrée, même récente, a guéri en évacuant ces glaires. "
L'immortel Fourcroy place la bryone sur la même ligne que le jalap, et trouve étonnant qu'on n'en fasse pas plus d'usage. " c'est un incisif, un fondant, un purgatif, un diurétique précieux, lorsqu'on l'emploie à petites doses et bien préparé. Cette racine, administrée récente et à plus forte dose, devient un drastique puissant, un irritant énergique; elle paraît différer du jalap en ce qu'elle perd plus de ses vertus par la dessiccation. La racine fraîche de bryone pourrait aussi être comparée à celle du manioc : elle contient un suc très-âcre et presque vénéneux; mais on peut en extraire, par le repos et les lavages répétés, une fécule fine et blanche susceptible de fournir une substance alimentaire d'autant plus utile dans des cas de disette, que cette racine est abondante, et acquiert un grand volume "
Ce n'est pas au jalap seulement que la bryone a été substituée; M. Bodard prétend qu'elle remplace parfaitement le séné : il prescrit le suc, d'après Alston, à la dose de trois gros dans un bouillon; il la donne sèche et pulvérisée, depuis un scrupule jusqu'à un gros; il fait prendre une égale quantité d'extrait. Le docteur Harmant de Montgarny voit dans la racine de bryone un ipécacuanha indigène, qui ne le cède point à l'exotique dans le traitement des affections diarrhéiques et dysentériques. En Allemagne, en Suède, les paysans creusent les racines de bryone fraîche, et remplissent ce gobelet de bière, qui, dans l'espace d'une nuit, devient émétique et purgative; ils coupent cette racine par tranches minces, qui irritent, enfla1n- 1nent la peau, èt forrnent ainsi des rubéfians, des épispastiques, des exutoires.
Ces observations, auxquelles il m'eût été facile d'en ajouter beaucoup d'autres, suffisent pour révéler l'analogie frappante qui existe entre la racine de bryone et celle d'arum. Celle-là comme celle-ci est, quoi qu'on en dise, un médicament infidèle, puisque, trop caustique à l'état frais, elle perd, en se desséchant, toute son énergie .
NOUVELLE BOTANIQUE MEDICALE - M A.A. MARESCHAL - 1876
Famille des cucurbitacées
Etym. : du Grec "BRUÔ", Je végète avec force.
Sym. vulg.: Couleuvrée, Navet-du-Diable Navet galant, Vigne blanche, Rave de serpent, Colubrine, Feu-ardent, Gros Navet,Ipécacuanha indigène, Navaubourge, Paré, Racine vierge, Vigne-du-Diable.
La Bryone est connue depuis longtemps comme un de nos purgatifs les plus violents. Hippocrate, lui-même, en fait mention. Aujourd'hui, comme tant d'autres plantes, elle paraît abandonnée par la médecine. Cependant, ses propriétès médicinales ont été, par quelques praticiens, utilisées contre l'hydropisie, la dyssenterie, les fièvres muqueuses et vermineuses, les obstructions du bas-ventre, l'épilepsie, l'hystérie, les paralysies atoniques, le rhumatisme chronique, les affections de poitrine où les expectorants sont indiqués.
Dans les campagnes, on fait un fréquent usage de la Bryone soit comme vomitif, soit comme purgatif ou diurétique, mais nous ne saurions trop répéter qu'à cause de son énergie, c'est un médicament qui ne saurait être utilement employé que par des mains prudentes et exercées, afin d'éviter les accidents irrémédiables qui sont souvent la conséquence de son emploi irréfléchi.
Quelques auteurs ont placé le Bryone sur la même ligne que le Jalap, d'autres l'ont comparée à l'Ipécacuanha, comme émétique. Enfin, on l'a donnée comme un incisif, un fondant, un purgatif, un diurétique précieux lorsqu'on l'emploie à de petites doses et bien prépérée.
A l'état frais, la racine de Bryone est un caustique trés puissant; desséchée, elle conserve une grande amertume, mais dans cet état son volume diminue considérablement ainsi que son énergie purgative et irritante. On l'a comparée aussi au Manioc, parce que, purgée de tout son suc par des lavages réitérés, on en retire une fécule fine et blanche susceptible de fournir une subtance alimentaire.
En allemagne et en suède, les paysans creusent la racine de Bryone fraîche et la remplissent de bière, dans l'espace d'une nuit cette boisson devient émétique et purgative. Ils la coupent par tranches minces qui, appliquées sur la peau, servent d'exutoires.
Dioscoride et Galien nous apprennent que, de leur temps, les jeunes pousses servaient d'aliment comme les asperges.
A l'extérieur, on se sert de la pulpe fraîche et du suc, seuls ou avec de la mie de pain, farin, etc., pour cataplasmes résolutifs, vésicants.
La racine sèche en poudre se prend à la dose de 1 à 2gr.
Boerhaave faisait macérer 15 à 20gr de la racine sèche dans 2 litres de vin. "Si, dit-il, on prend une once de ce vin, on purge par haut et par bas, et de cette manière on guérit souvent l'hydropisie."
Les plantes qui guérissent et les plantes qui tuent - O. de RAWTON - 1884
Toutes les parties de la Bryone sont plus ou moins toxiques; mais l'énergie de la plante se concentre surtout dans la racine. Appliquée fraîche et broyée sur la peau, elle produit la vésicalion. Absorbée, elle ne tarde pas à exercer une action analogue sur la muqueuse gastro-intestinale, et se montre toxique, émétique, drastique, selon les quantités employées.
A forte dose, elle produit, en outre, de la défaillance, de vives douleurs, des déjections alvines, séreuses, abondantes, et la mort.
Les effets toxiques semblent dus à un principe glucosique, la bryonine, isolée pour la première fois par Dulong, soluble dans l'eau et possédant la saveur amère et nauséabonde de la Bryone. Cette racine de bryone broyée, puis lavée, pour isoler la subtance vénéneuse, ne présente plus qu'une masse farineuse comestible, analogue à celle qu'on extrait, par un procédé semblable, du manioc et des arums.
Contre-poisons. - Gorger le malade de boissons émollientes, adoucissantes, puis essayer de le faire vomir avec les doigts ou par le chalouillement de la luette. L'émétique doit être proscrit, comme dans les empoisonnements par les renoncules, et pour les mêmes motifs.
Le traitement secondaire dépend de l'état du patient; s'il y a des vomissements fréquents, des coliques peu ,violentes, de l'abattement, de l'insensibilité, on aura recours au café et autres stimulants diffusifs; à la strychnine, 1 à 2 milligrammes tous les quarts d'heure, jusqu'à effet dynamique obtenu, ou bien on administrera de temps en temps :10 à 20 centigrammes de camphre dans un jaune d'œuf.
Quand il y a surexcitation nerveuse, des spasmes, des crampes, on emploie avec ménagement les sédatifs, douce-an1ère, jusquiame, coquelicot, aconitine, bains tièdes, affusions froides.
L'action qui paraît double dans l'intoxication par la racine de Bryone, semble indiquer que cette racine a été mal étudiée, el que la brionine n'est pas le seul principe délétère qu'elle renferme.