

- FLORE MEDICALE - MM CHAUMETON, POIRET, CHAMBERET - 1833
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Explication de la planche
1 – Racine.
2 – Feuille radicale.
3 – Calice, étamines et pistils.
4 – Fruit isolé.
IL paraît que les naturalistes et les médecins grecs n'ont fait aucune mention de la benoîte; car je suis loin de reconnaître cette plante dans le livre de Dioscorides, qui serait plutôt le triforium arvense, comme le pense Sprengel. Ce savant historien de la médecine et de la botanique rapporte, sans hésiter, notre geum à celui de Pline, bien que la description de cet auteur latin soit très courte et très-incomplète.
On trouve communément la benoîte dans les bois, le long des haies, dans les lieux ombragés : elle est vivace, et fleurit au mois de juin. La racine, simplement fibreuse lorsqu'elle est jeune, forme, par le progrès de l'âge, une sorte de moignon conoïde, qui devient gros et long comme le pouce, se recouvre d'écailles brunes, minces, sèches, et produit une quantité considérable de fibres ou chevelus fauves.
Les tiges communément rouges ou rougeâtres à leur base, droites, légèrement velues, rameuses, parviennent à la hauteur d'environ deux pieds. Les feuilles radicales sont ailées, a cinq, sept, neuf, onze folioles, dont les trois terminales sont grandes et dentées.
Les feuilles caulinaires sont alternes, et ont les deux folioles de leur base contiguës à la tige, en forme de stipules. Les fleurs sont jaunes, pédonculées, terminales, et ordinairement droites. Chacune d'elles présente : un calice monophylle, à demi-divisé en dix segmens pointus, dont cinq alternes plus petits que les autres; cinq pétales entiers, arrondis, ouverts en rose, soixante à soixante-dix étamines, dont les filamens attachés au calice, soutiennent des anthères globuleuses; des ovaires supérieurs nombreux, aglomérés, ayant chacun un style long, velu, terminé par un stigmate simple. Le fruit est une tête formée par la réunion d'une grande quantité de petits péricarpes uniloculaires , monospermes, dont chacun est armé d'une barbe rouge, recourbée eu crochet près de son extrémité : cette barbe n'est autre chose que Je style persistant.
Si l'on cueille au printemps, sur un terrain sec, la racine de benoite, elle répand une odeur de girofle , qui diminue et se perd même par la dessiccation. La saveur est analogue , mêlée toutefois d'une amertume particulière, qui laisse un arrière-goût austère et Apre .
Analysée par le pharmacien danois Muehlenstedt, et plus récemment par M. Bouillon-Lagrange et M. Chomet-Mars, elle a fourni beaucoup de mucilage et de principe astringent, du tannin, une résine aromatique, et du muriate de chaux. Mon intention n'est pas de ranger parmi les substances inertes une racine dont les qualités physiques et chimiques décèlent presque infailliblement les propriétés médicamenteuses; je ne prétends point exclure la benoîte des officines pharmaceutiques; mais je désire lui assigner sa véritable place. Je ne veux pas qu'elle figure à côté des remèdes héroïques, et qu'on la proclame, avec Buchan et Weber, supérieure au quinquina, Des praticiens habiles ont administré avec un soin scrupuleux le spécifique si fastueusement vanté; leur espoir a été déçu.
Les malades traités par Lund ont éprouvé des nausées, des vomissements, et n'ont point été délivrés de la fièvre, que l'écorce du Pérou a promptement dissipée. Les résultats obtenus par Haller, Brande!, Christopherson, Barfoth, Acre!, Dalberg, n'ont été guère plus favorables. Mon ami Broussais, qui joint à tant d'autres mérites celui de la plus judicieuse observation, n'a retiré de la benoite que des avantages très-faibles: je l'ai moi-même fréquemment donnée sans succès; je me bornerai à citer un exemple entremille. M. Saxe, pharmacien de la grande armée, atteint d'une fièvre double tierce, me consulta, et me prévint qu'il avait du dégoût pour le quinquina.
Je saisis cette occasion d'employer le geum, qui fut parfaitement choisi, finement pulvérisé, et scrupuleusement administré, à la dose de trois gros, puis d'une demi-once dans l'intervalle des accès: loin d'être suspendus, ou seulement mitigés, les paroxysmes se renouvelèrent avec plus de violence et de rapidité. Trompé dans son attente, M. Saxe se soumit, malgré sa répugnance à l'usage du quinquina, et la fièvre se dissipa presque aussitôt.
De ces tentatives infructueuses, je me garderai bien qe conclure que jamais la benoîte n'agit comme fébrifuge : je la crois, au contraire, très-propre à calmer ou à guérir certaines fièvres intermittentes et rémittentes, qui, produites ou entretenues par la flaccidité des fibres, par diverses cachexies, réclament les toniques et les astringens modérés. Elle se montrera pareillement efficace vers la fin des dysenteries , dans les diarrhées et dans la plupart des autres flux asthéniques. En général, la racine de benoîte se rapproche singulièrement de celle d'angélique par son action thérapeutique. On la prescrit à la même dose, et sous les mêmes formes, tantôt infusée dans l'eau, tantôt macérée ou digérée dans le vin ou dans l'alcool.
On peut la substituer ou la joindre au houblon, dans la fabrication de la bière, qu'elle rend plus agréable et empêche d'aigrir. Elle est un bon fourrage pour les chevaux, les bœufs, les cochons, les chèvres, et surtout pour les moutons, qui en sont très-friands. Les jeunes feuilles se mangent en salade.
Les abeilles vont puiser le suc de ses fleurs.
La racine est propre à tanner les cuirs; elle communique aux laines une belle couleur musc-doré très-solide, el la plante entière leur donne une jolie teinte noisette. Le professeur Brugmans, de Leyde, a trouvé aux mois de juin et de juillet, sur les racines de benoîte, l'insecte qui fournit la cochenille de Pologne , coccus polonicus , L.
