LES PLANTES SAUVAGES

Arum d'Italie - Gouet d'Italie
Lieu et date de prise de vue : Charente - Commune de Dignac -
NOM LATIN : Arum italicum
FAMILLE : Araceae
Description du Genre - FLORE de l'abbé Hippolyte Coste
Genre 754. — ARUM L . — Gouet.

(Du grec aron, nom donné à une espèce alimentaire.)

Fleurs monoïques, en spadice, sans périanthe, renfermées dans une spathe membraneuse, dressée, roulée en cornet à la base, fendue dans toute sa longueur ; spadice nu et renflé en massue dressée dans sa partie supérieure, portant plus bas les étamines (souvent accompagnées de filaments stériles) et à la base les ovaires disposés sur plusieurs rangs; anthères sessiles, réunies par 3-4, à 2 loges s'ouvrant en long; style presque nul, stigmate subhémisphérique; baies rouges, subglobuleuses, à 1 loge, à 1-6 graines, disposées en épi ovale ou oblong.

Fleurs jaunâtres ou violacées, en grand nombre autour d'un axe charnu; feuilles toutes radicales, engainantes à la base, à nervures ramifiées; souche renflée-tubéreuse.

Environ 25 espèces habitant les régions tempérées de l'ancien monde. Plantes vénéneuses, à suc très acre.
Description de l'espèce - FLORE de l'abbé Hippolyte Coste
3682 . - A. italicum Mill.

Plante vivace de 20 à 60cm., glabre, à tubercule gros et oblong; feuilles naissant avant l'hiver, à pétioles 2 fois plus longs que le limbe, triangulaires-hastées à oreillettes divergentes, veinées de blanc jaunâtre ; spathe grande, blanchâtre ; spadice 3 fois plus court que la spathe, à massue jaune pâle aussi longue ou plus longue que son pédicelle; anneau mâle 3 à 4 fois plus court que le femelle,
muni en dessous et en dessus de nombreux filaments sétacés verruqueux à la base.

Haies et coteaux, dans tout le Midi, l'Ouest et le Centre; Corse.
Toute la région méditerranéenne.

= Avril à mai.
  • FLORE MEDICALE - Tome 1 - MM. CHAUMETON, POIRET, CHAMBERET - 1834

  • ARUM.

    Italien : ARO ; JARO; GICARO; GICHERO; PIE VITELLINO ; BARBAARON.
    Espagnol : ARO.
    Français : ARUM; GOUET; PIED-DE-VEAU; GOUET COMMUN, Lamarck.
    Anglais : WARE-ROBIN; CUCROW-PINT.
    Allemand : ARON; KALBFUSS.
    Hollandais ; ARON; KALFS-VOET.

    CETTE plante vivace est commune dans presque tous les climats, on la trouve en France, en Angleterre, en Allemagne, en Pologne, dans les lieux humides, le long des haies, sur le bord des chemins, à l'ombre des bois.
    La racine, arrondie, grosse à peu près comme un oeuf de pigeon, est tubéreuse, garnie de quelques fibres, brunâtre extérieurement, blanche à l'intérieur, charnue, et imprégnée d'un suc laiteux.
    - La tige est une hampe cylindrique, haute de six à sept pouces, enveloppée inférieurement par les gaînes des pétioles.
    - Les feuilles, longues de neuf à dix pouces , sont très-entières, sagittées, à oreillettes peu divergentes : leur surface est verte, lisse, luisante, veinée, et souvert parsemée de taches blanches ou noirâtres.
    - La fleur, remarquable par sa forme et par sa disposition, présente, au lieu du calice, une spathe monophylle, membraneuse, très-ample, droite, terminée en oreille d'âne, verdâtre en dehors, blanchâtre en dedans ; un spadice très-simple, bien plus court que la spathe qui l'environne, d'abord blanc jaunâtre, puis rougeâtre ou pourpre livide, fleuri dans sa partie inférieure, nu à son sommet ou chaton, lequel est en massue, se flétrit et tombe avant la maturation; des anthères nombreuses, sessiles, tétragones, situées au dessous d'une double rangée de filamens cirrhiformes; des ovaires très-multipliés, qui entourent la base du spadice.
    - Les fruits sont des baies globuleuses, succulentes qui prennent en mûrissant une couleur rouge éclatante : elles forment un bel épi serré, et contiennent, dans une seule loge, une ou deux graines dures et arrondies. Tout ce qui provient du pied-de-veau,dit Peyrilhe est acre, styptique, brûlant ; toute la plante est pénétrée d'un suc qui verdit le sirop violât et se coagule par les acides minéraux. On en fait, dans divers pays, en Angleterre, dans la Belgique, dans le Poitou, une pâte qui sert à blanchir le linge. L'acrimonie des feuilles est telle, que, pilées et appliquées sur une peau délicate, elles l'irritent, l'enflamment, la corrodent, et peuvent ainsi, dans certains cas, devenir un rubéfiant, un épispastique très-utile; elles détergent les ulcères sanieux, et, infusées dans le vin, elles sont regardées comme antiscorbutiques; toutefois leur usage est beaucoup plus limité que celui de la racine. Celle-ci est sans odeur, et paraît insipide quand on commence à la mâcher : mais bientôt une saveur acre et brûlante se développe; l'intérieur de la bouche semble piqué, déchiré par des milliers d aiguilles, suivant l'expression de Bergius. La douleur, rebelle à tous les autres liquides, ne se calme que par les boissons huileuses. Cette violente acrimonie diminue considérablement par la dessiccation; il n'en reste plus aucune trace si l'on soumet l'arum à la torréfaction ou à des ébullitions répétées. On obtient par ces procédés une fécule blanche, douce, très-nourrissante propre à faire non-seulement de la colle, de l'amidon, des pâtes , cosmétiques, mais de fort bon pain, comme Cirillo l'a vu pratiquer en Dalmatie.
    On aperçoit ici une frappante analogie entre l'arum et le manioc : dans l'un comme dans l'autre, l'aliment se trouve mêlée au poison, dont il est facile de le séparer.
    Les médecins prescrivent la racine de gouet, recueillie en automne, contre la plupart des affections cachectiques. Les anciens, spécialement Dioscorides, l'ont surtout vantée dans les maladies chroniques de la poitrine, et les modernes se sont efforcés de lui conserver son antique renommée. Hors, Mùller, Gesner prétendent avoir guéri, avec la racine d'arum, l'asthme pituiteux, et même la phthisie confirmée; les professeurs Bergius etGilibert ont dissipé des fièvres intermittentes et des céphalées gastriques rebelles à tous les autres remèdes. Cependant, si l'on réfléchit que la racine fraîche de l'arum, trop caustique pour être employée, perd, en se desséchant, toutes ses propriétés médicinales, on conviendra qu'il est imprudent d'administrer une substance dont l'action est aussi versatile, dont la dose ne peut être exactement fixée, et qui, même dans les circonstances les plus favorables, ne possède point les propriétés fébrifuges et antiphthisiques qui lui ont été attribuées.
    Parmi les préparations pharmaceutiques dont la racine d'arum est un des principaux ingrédiens, on vante surtout la poudre stomachique de Birkmann, et la poudre cachectique de Duchesne (pulvis cachecticus Quercetani) : ces remèdes composés m'inspirent encore moins de confiance que l'arum lui-même.
  • Histoire des plantes de l'Europe - Tome 2 - J. L. M. POIRET - 1827

  • GOUET. PIED-DE-VEAU. (ARUM, Linn.)

    MALGRÉ les grands rapports que les ARUM ou gouets ont avec les calla, leur séjour n'est point celui des marais ; il faut, pour les trouver, aller les chercher à l'ombre des bois ou dans des sols incultes et stériles. Leur forme singulière les rend autant faciles à reconnaître que propres à exciter la curiosité. Quoique le but de la nature, en leur donnant une physionomie si différente de celle des autres plantes, ne nous soit pas connu, du moins elle nous fait jouir de ce plaisir qu'amènent les variétés de ces formes si nombreuses, que l'imagination ne peut s'en représenter aucune dont le type ne se retrouve dans la nature, et ni se former une idée de celles qui existent, à moins de les avoir vues.
    La forme des arum est à peu près la même que celle des calla. Leurs fleurs sont très-remarquables. Une sorte de cornet en oreille d'âne ou en capuchon, selon les espèces, enveloppe en partie leur axe ou rachis, qu'on nomme encore spadice : c'est sur lui que sont placées, en anneau, sur plusieurs rangs, des anthères sessiles, et plus bas, des ovaires dans la même situation. Un double ou triple rang de glandes, ou d'anthères stériles, surmontées d'un filet, séparent les anthères des ovaires. A ceux-ci succèdent des baies globuleuses à une seule loge. La partie supérieure du spadice est nue, renflée en massue ; dans quelques espèces,il est entièrement recouvert par les organes de la reproduction.Ventenat a réuni ces dernières dans un genre particulier, qu'il a nommé caladium (pediveau) ; ainsi la nature, en privant les plantes de calice et de corolle, semble avoir voulu les en dédommager par d'autres ornements

    Le GOUET D'ITALIE (arum italicum, Lamk. ),
    en tout semblable au GOUET Commun (suivant), n'en est peut-être qu'une variété : il n'en diffère que par de plus grandes proportions dans toutes ses parties, par les oreillettes de ses feuilles plus longues, plus divergentes; par son spadice jaunâtre. Au moment de la fécondation, ce spadice acquiert un degré de chaleur très-marqué, et qui dure pendant plusieurs heures ; phénomène observé pour la première fois par M. de La Marck, et vérifié depuis par plusieurs autres observateurs. Il est même très-probable que les autres espèces de gouet doivent offrir le même fait dans les mêmes circonstances. Peut-être existe-t-il aussi dans les autres plantes, d'une manière plus ou moins sensible, au moment de la fécondation : il semble qu'alors toutes les forces vitales étant en action dans les plantes, celles-ci laissent échapper un dégagement de calorique surabondant.

    Le GOUET COMMUN (arum maculalum, Linn.),
    vulgairement pied-de-veau, est une des espèces la plus répandue de ce genre : ou la trouve partout, à l'ombre des bois, sur le bord des routes, le long des haies, dans les lieux humides, en France, en Allemagne, en Suède , en Angleterre, etc. Sa racine est grosse, charnue, tubéreuse, pleine d'un suc laiteux, corrosif; ses feuilles sont en fer de flèche, à deux oreillettes, toutes radicales, entièrement vertes, quelquefois veinées de blanc, de violet foncé, ou tachetées de noir, d'où résultent les variétés citées par les auteurs.
    La spathe est fort ample, en cornet, d'un blanc jaunâtre ou verdâtre, quelquefois marquée de veines purpurines; le spadice, de couleur pourpre, se termine en une massue allongée, au-dessous de laquelle sont placés les organes sexuels: il leur succède des baies d'un rouge éclatant.
    L'arum se trouve mentionné dans Théophraste, Pline et Dioscoride. Ce dernier rapporte que les Syriens lui donnaient le nom de lupha ; celui d'aron en grec paraît un mot radical, auquel plusieurs auteurs ont essayé de donner une étymologie forcée, tel que Lobel, qui le fait remonter au pontife Aaron ; et Morison, qui lui donne pour origine le mot roa ( grenade), à cause de la couleur de son fruit. Parmi les arum des auteurs cités plus haut, il est difficile d'y reconnaître notre gouet commun. Leurs descriptions incomplètes paraissent devoir s'appliquer à d'autres espèces. L'aron de Dioscoride(1) a les fruits jaunes et les feuilles du lierre : elles étaient employées comme comestibles.
    Le nom d'arum a été conservé à notre gouet commun, assez bien figuré par le plus grand nombre des auteurs, tels qu'Egenolf, Brunfels, Fuchs, Val. Cordus, Ruelle, Lonicer, Lebouc, Matthiole, Daléchamp, Lobel, Docloens, J. Bauhin, Morison, Sabbatier, Blackwel, Rivin, Pauli, Oeder, Bulliard, Lamarck, etc.
    Les racines et les feuilles du gouet commun, ou pied-de-veau, contiennent un suc âcre, brûlant, vénéneux à un tel point, qu'il suffit d'en mordre une feuille, même sans la mâcher, pour éprouver au palais et à l'orifice de la gorge une chaleur brûlante très-douloureuse,comme je l'ai éprouvée plusieurs fois. Il est à croire qu'il pourrait s'en suivre de très-graves accidents, si l'on en avalait même une légère portion ; il n'y aurait, dans ce cas, d'autre moyen d'y remédier, que les boissons huileuses : les autres liquides seraient sans effet.
    Mais l'industrie humaine est parvenue à découvrir la substance alimentaire, au milieu même des poisons les plus violents, à l'en séparer, à la convertir en une nourriture abondante et salutaire : tel le manioc, dont la racine, mangée crue, serait un poison mortel ; elle devient, étant préparée convenablement, presque le seul aliment de plusieurs peuplades indiennes; de même la racine du gouet peut, dans des années de disette, offrir de grandes ressources pour la nourriture de l'homme. L'acrimonie de ses racines diminue considérablement par la dessication : on la fait disparaître entièrement par la torréfaction,et surtout par des ébullitions répétées. A l'aide de ces derniers procédés, on en obtientune fécule douce, blanche, nutritive et très-abondante, propre également à faire de la colle, de l'amidon, des pâtes cosmétiques, mais, par dessus tout, de fort bons potages, des bouillies, même du pain en galettes.
    Il y a déja bien des années que Parmentier a proposé d'en tirer parti pour la nourriture dans les temps de disette. « J'en ai fait usage, dit Bosc, pendant les orages de la révolution, lorsque j'etais réfugié dans les solitudes de la forêt de Montmorenci. Cette plante est si abondante dans cette forêt, et dans beaucoup d'autres lieux, qu'elle pouvait, à cette époque, assurer la subsistance de plusieurs milliers d'hommes, si on eût connu sa propriété alimentaire : j'avais sérieusement compté sur les ressources qu'elle pouvait me procurer, lorsque la mort de Robespierre mit fin à mes peines. »
    Les anciens, et surtout Dioscoride, ont beaucoup vanté l'emploi de l'arum dans les maladies chroniques de la poitrine ; des médecins modernes en ont fait usage, d'après son ancienne réputation mais j'ai fait voir plus haut que l'aron de Dioscoride n'était pas notre pied-de-veau. Que penser d'ailleurs de l'emploi d'une plante, dont la racine fraîche est trop caustique pour n'être point très-nuisible, et qui perd, en se desséchant, toutes ses propriétés? Parmi les bestiaux, il n'y a que les cochons qui recherchent la racine de l'arum. Dans le département des Deux-Sèvres, on l'arrache pour la leur donner. On peut l'employer, comme la saponaire,pour dégraisser le linge. Dans tout le Bas-Poitou, dit Tournefort, les femmes de la campagne blanchissent leur linge avec la pâte de pied-de-veau : elles coupent en morceaux la tige de cette plante, lorsqu'elle est en fleur, la font macérer, pendant trois semaines, dans de l'eau, qu'elles changent tous les jours, et font sécher le marc, après l'avoir réduit en pâte.